Miranda affect

Je sais qu’une semaine ça peut déjà remonter à loin, surtout à l’échelle de Twitter. Mais bon, les choses étant ce qu’elles sont, j’ai pas eu l’occasion de coucher plus tôt sur papiers mes impressions suite à ce retweet de @Mar_lard à propos du jeu de mot de @PoufyGB, M-Ass Effect et la discussion… constructive qui s’en est suivi :

Qu’est-ce que ça nous montre ? Déjà, dans un premier temps, qu’il existe des commentateurs de jeux vidéo se disant « pro, » et ils ne sont pas tellement rares, qui oublient tout professionnalisme, toute distance critique lorsqu’ils commentent justement des jeux vidéo.

Mar_lard l’a très bien mis en lumière dans son article à propos de Joystick sur Genre! : qu’ils fantasment sur des fessiers féminins cadrés serrés et des héroïnes agressées trahit déjà un problème certain, mais qu’ils l’étalent comme si de rien était sur des médias exigeant d’eux une certaine « objectivité » en est un autre. Et il y en a pour dire « ça va, » « c’est une blague, » « c’est pas grave. »

Le jeu vidéo est par définition un « jeu », avec tout ce que cela peut sous-entendre de légèreté, les majors du secteur vendent ça comme étant « cool, » les commentateurs et les joueurs en parle comme d’un truc « cool; » cependant c’est tout sauf anodin : le jeu vidéo étant devenu, est-il besoin de le rappeler, la première industrie culturelle au monde, il est, à l’instar de la littérature, du cinéma ou de tout autre média, porteur de discours. On ne peut donc pas balayer d’un revers de main ces problèmes de représentation et de réception, qu’il faudrait d’ailleurs chercher à combattre d’autant plus activement.

Arrivons-en aux faits. S’ils parlent à qui mieux-mieux des fesses moulées de Miranda, c’est bien parce qu’ils n’ont pas eu à chercher bien loin vont-ils répondre… La promo de Mass Effect 2, dans lequel apparaît le personnage pour la première fois, n’y est pas allé de main morte (je ne retiens qu’un seul exemple ici, assez « éclairant, » à l’égard de l’usage du perso de Miranda pour le marketing : Histoires de couv’ : IG Magazine 6, massive affect). Les images de promo faisaient la part belle à Miranda en mode « cul-poitrine », sans parler de sa mise en avant sur les visuels, jaquettes, etc.

Comment en est-on arrivé là, alors qu’en la matière Mass Effect 1 était beaucoup plus neutre ? Le but étant de vendre, et la publicité opérant un nivellement par le bas en cherchant des facteurs parlants à tous, le plus simple parait donc de jouer déjà sur la teneur militaire et testostéronée mais aussi beaucoup sur la plastique de Miranda. Ou l’art pour le marketing de faire fantasmer cet acheteur de jeu vidéo adolescent, hétéro et en rut…

Ce serait tout aussi facile de dire que ce même marketing a les dents suffisamment longues pour influer sur la création du personnage, il suffit de lire les remarques contenues dans l’artbook des trois jeux (joke inside) : « […] Miranda’s body and clothing tried to balance sex appeal with a uniform […] » Une pub, sauf à valoriser, ça ne ment pas de manière éhontée (ahem…), on voit bien ici qu’il y avait déjà matière à faire avec ce « corps et cette tenue de Miranda qui devait équilibrer sex-appeal et uniforme » …

Mass-Effect-2-Widescreen-Wallpaper

Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de faire le procès des jeux Mass Effect, de Bioware ou d’EA. Pour ce qui est du jeu stricto sensus, Miranda ne parait pas moins développée qu’un autre personnage, n’est pas moins cohérente au regard de l’univers des jeux, on l’aime ou on la déteste, là n’est pas le problème. Pour autant, pas besoin de chercher bien loin pour se rendre compte qu’il y a un truc qui cloche. Au milieu de tous les portraits-archétypes SF du jeu, Miranda est – ALERTE SPOILER – la femme créée pour être parfaite, littéralement. L’idée ne paraissait pas mauvaise en soi, elle aurait pu d’ailleurs conduire à une réflexion intéressante. Cependant elle est complètement sapée par la représentation qui est faite du personnage dans le jeu, à l’image du tweet repris par Mar_lard.

Comment voulez-vous en effet croire que les développeurs voulaient offrir une réflexion critique (peut-être que j’en demande trop) sur ce personnage de femme-objet si elle est justement toujours représentée et attifée en temps que telle ? Depuis son postérieur qui se retrouve cadré en gros plan à chaque dialogue, les plans cadrants au niveau de sa poitrine ou encore ceux ne montrant ses jambes et sa démarche (talons hauts oblige), pas de doute possible, Miranda est bel et bien objectifiée (un bel exemple de Male Gaze, de fétichisation du personnage féminin pour reprendre Laura Mulvey,) jusque dans ses sporadiques apparitions dans Mass Effect 3.

Qu’est-ce que moi, en temps que joueur, je retiens de tout cela ? Personnellement les jeux Mass Effect me paraissent sortir du lot, l’univers, les personnages, bref, c’est riche, bien fichu, attachant, prenant, dans une bonne mesure moins sexiste qu’une partie du tout-venant vidéoludique… Alors y voir les travers sexistes qui gangrènent déjà la majorité des autres productions JV, ça me parait d’autant plus consternant/atterrant/révoltant (rayer la mention inutile). Parce que, mine de rien, je n’aime pas les jeux vidéo pour la possibilité qu’ils m’offrent de me rincer l’œil.

Édité par Alda