Sexisme à 300.000 km/s

Les éditeurs de logiciels ou les fabricants de consoles ne sont pas les seuls à axer leur communication autour de propos sexistes. C’est ainsi que Numericable, câblo-opérateur et FAI français, a commis cette publicité dans le journal 20 minutes du Lundi 6 janvier :

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C’est bien connu, non seulement les femmes sont indécises et versatiles mais en plus elles ne téléchargent jamais rien sur Internet. Savent-elles au moins ce qu’est un ordinateur ? Au vu de cette publicité, certains commerciaux semblent persuadés que non.

L’agence Fred & Farid qui a conçu la campagne n’en est pas à son coup d’essai en matière de sexisme.

Face au bad buzz sur Twitter, Numéricable a tenté de rectifier le tir avec une suite à la publicité:

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Comme si un cliché sexiste en sens inverse allait arranger les choses…
Édité par MarLard

Mise à jour par Mar_Lard 07/01/2014 – 19:40

Le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes a déposé plainte auprès de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité.

Sources :

Les séries de superhéros ne sont pas destinées aux filles

Dans le podcast Fatman on Batman du 10 décembre 2013, Paul Dini, auteur de comics et scénariste et producteur de fameuses séries animées telles que Batman (1992), Superman (1996) ou encore Justice League (2001) révèle que plusieurs séries de superhéros à succès, dont l’excellente Young Justice ou encore Green Lantern, ont étés annulées…parce que leur public était trop féminin.

Voici la retranscription de son échange à ce propos avec Kevin Smith (réalisateur, producteur, auteur & scénariste de films, auteur de comics) :

DINI : « […] Les superhéros sont réservés aux garçons, nous ne *voulons pas* les filles. J’ai entendu des cadres dire ça, pas là où je suis mais à d’autres endroits, dire « Nous. ne. voulons. pas. que les filles regardent cette série. »

SMITH : « POURQUOI ? C’est 51% de la population. »

DINI : « Parce qu’elles n’achètent pas de jouets. Les filles achètent des jouets différents. Les filles peuvent regarder la série… »

SMITH : « Alors vous pouvez leur vendre des T-shirts si elles…A : Je ne suis pas d’accord, je pense que les filles achètent des jouets aussi, peut-être pas autant que les garçons mais…B : Vendez-leur autre chose, bon sang ! Ne soyez pas paresseux en mode « bah, je peux pas vendre un jouet à des filles ». Vendez-leur un T-shirt, bon sang, vendez-leur un foutu parapluie avec le foutu personnage dessus, quelque chose comme ça. Mais si ce n’est pas un jouet, vous pouvez leur vendre autre chose ! Ce n’est pas parce que vous ne savez pas faire votre boulot que vous devez tuer quelque chose qui atteint un public…c’est juste tellement défaitiste quand les gens disent ça, c’est les même connards qui disent « Oh, les filles ne lisent pas de comics, les filles n’aiment pas les comics ». Ce ne sont que des prophéties auto-réalisatrices. Ils font en sorte que ça soit comme ça, en disant « Je ne peux pas leur vendre de jouets, à quoi bon ? »

DINI : « Justement, je déteste être le rabat-joie ici, mais je vais juste le dire : c’est à cause de ça que notre Tower Prep a été annulée, honnêtement, c’était « il nous faut des garçons, mais nous avons besoin de filles juste là, juste derrière les garçons » – c’est la chaîne qui parle là – « juste derrière les garçons, pas aussi intelligentes que les garçons, pas aussi intéressantes que les garçons, mais juste là ». Puis nous avons commencé à écrire des histoires qui exploraient le background des deux filles, et elles étaient vraiment intéressantes. Et soudain des familles et des filles regardent, et les filles deviennent vraiment une grosse partie de notre public […]. Mais Cartoon Network disait « Merde, non, nous voulons de l’action de garçons, c’est de l’action de garçons, cet humour farcesque de garçons c’est ça qu’il faut mettre dedans. Et nous ne pouvons pas –  » et moi je dis, mais regardez les chiffres, on a des parents qui regardent, en famille, et quand on fait les comptes – « Ouais, mais – tellement – nous avons trop de filles. Il nous faut plus de garçons. »

SMITH: « C’est déchirant. »

DINI: « Et voilà pourquoi ils nous ont annulé, et à la place ils ont mis une série appelée Level Up; des geeks farcesques qui se battent contre des monstres en images de synthèse. C’est comme ça : « On veut pas les filles parce que les filles n’achètent pas de jouets. » On avait toute…toute une ligne de produits dérivés pour Tower Prep qu’ils ont mis à la trappe avant que ça ait pu décoller, parce que « Garçons, garçons, garçons. Les garçons achètent les toupies, ils achètent les figurines, les filles achètent des princesses, on vend pas de princesses. »

« Les filles n’achètent pas de jouets », pleurnichent les marketeurs qui ont passé des années à les ostraciser avec des lignes de jouets virilistes exclusivement à l’image des personnages masculins…Il est clair que ce n’est pas en s’enfonçant dans un conservatisme sexiste que l’on dépassera le clivage genré des jouets. Et si la chaîne proposait des personnages et des jouets variés…à l’image de son public ?

Voici une pétition à destination de Cartoon Network pour que la chaîne cesse de marginaliser son public féminin.

Sources :
http://www.themarysue.com/warner-bros-animation-girl-market/
http://io9.com/paul-dini-superhero-cartoon-execs-dont-want-largely-f-1483758317
http://www.madmoizelle.com/cartoon-network-annulation-series-petites-filles-218407

Etre une fille dans un magasin de jeux vidéo

Article sur sudouest.fr .

Un récit de la condescendance, du paternalisme et du mépris que les femmes doivent trop souvent affronter dans les magasins de jeux vidéo. Des grands classiques « ah, parce que vous jouez ? », « c’est pour votre copain ? », « vous n’avez pas l’air de vous y connaître » aux attitudes ouvertement hostiles, cet article a fédéré d’innombrables témoignages de gameuses qui se reconnaissent dans cette expérience :
https://storify.com/Mar_Lard/sexisme-en-magasin-de-jeux-video

Jeu de rôle oui…mais jeu de dames…?

Joueuse depuis des années, MJ depuis fort longtemps, écrivaine de scénario depuis peu…. ma vie de rôliste a commencé quand j’avais 11 ans. Et cependant depuis toutes ces années, certaines choses n’ont pas changé. Voici la chronique d’une joueuse ordinaire…

De mon expérience, l’élément qui caractérise le quotidien de la rôliste est L’ÉTONNEMENT.

L’exemple de la première rencontre type avec un rôliste masculin se déroulera selon un scénario classique. Elle commencera pas un incrédule « Sérieux ?? Tu joues aux jeux de rôles ???? » (« Toi dont le physique indique sans équivoque que tes intérêts sont loins de ces pratiques barbares et masculines ! »)

La conversation prend ensuite le classique tour du « ah, tu joues…mais t’as déjà joué à quoi ? », accompagné de son petit haussement de sourcil et du petit sourire narquois. La question s’annonce comme un test : « Toi l’élément féminin, je te mets au défi de savoir m’expliquer concrètement ce à quoi tu as joué. De toute façon je suis un mec, c’est moi qui ai la plus grosse, tu n’y connais rien et je vais te le prouver. »

Ma diplomatie m’oblige souvent à sortir mon plus beau sourire (mais à garder des yeux de glace) pour ensuite énumérer la (très longue) liste de jeux auxquels j’ai déjà joué, les systèmes utilisés etc, comme tant de pièces d’identité à fournir avant de passer une frontière. Bien souvent d’ailleurs l’interlocuteur ne connaît pas la moitié de ces jeux tant mes pratiques peuvent être expérimentales et obscures. Plusieurs fois on m’a même rétorqué « c’est ton mec qui t’as fait découvrir ? ». Je précise alors avec une voix frôlant le zéro absolu que c’est plutôt moi qui l’ai initié…à l’étonnement toujours plus grand de notre cher interlocuteur aux principes bien arrêtés. Quelle serait donc sa tête si je lui demandais « Ah tu joues ? C’est ta copine qui t’as initié? ».

Mais Monsieur le Rôliste ne se démonte pas, et tient à garder sa supériorité. Il va donc enchaîner sur le discours du MJ (aka le classique « oui enfin…être joueur et MJ, c’est quand même pas pareil, c’est intéressant de faire les deux tu sais ! »). Eh oui, autant il est envisageable (quoi qu’étonnant) que la femme joue, mais alors qu’elle soit MJ…là non, faut pas déconner. Restons entre testicules respectables. Je pousse alors un soupir, et réponds que je suis MJ depuis longtemps déjà et que donc non, monsieur ne va pas m’apprendre de quoi il s’agit en conservant son petit air supérieur.

Cette situation navrante devient un classique de la première interaction avec un rôliste. Le mâle, lui, a plus d’expérience que moi. Du moins dans sa tête. Et quand il se rend compte que ce n’est pas le cas, bien souvent il en est déstabilisé et ne sait plus comment réagir. « Quoi ? Une femme MJ ? Qui écrit des scénars ??? Qui organise et écrit des murders party ????? ». L’incrédulité cède alors place au « respect ». « Dis donc…t’es presque un mec en fait » m’a-t-on dit une fois…Cher réceptacle à testostérone, le fait même que ton orgueil se sente agressé par ce qui relève de la vie privée d’une parfaite inconnue me pose problème. Tu ne devrais pas être surpris. Tu devrais t’en contrefoutre.

Ce respect qui devrait être automatique (n’est-il pas la présupposée base des rapports sociaux?) doit être mérité par la femme rôliste. Graal reçu après une longue série de tests sur son investissement rôlistique, la femme qui aime le JDR doit montrer patte blanche avant d’être acceptée dans « la meute ». Et en prime, on lui précise bien qu’elle est presque « un homme », et que ça fait d’elle une personne bien. Bravo madame, tu ressembles à un monsieur.

Je n’aborderai pas ici le sujet des parties elles-mêmes car bien souvent, les personnes avec qui j’ai le type de conversation ci-dessus…eh bien je ne joue pas avec. C’est mieux pour tout le monde. Aussi je joue avec des gens dont je sais que leur comportement à ce sujet sera irréprochable. Et j’ose espérer qu’à l’avenir plus de gens seront comme mes merveilleux compagnons de jeu. Car oui, il y a tout de même de l’espoir pour les femmes rôlistes : tous les joueurs ne sont pas comme ça. Et heureusement.

Les faits parlent cependant : les femmes croisées autour d’une table de jeu de rôle sont rares. Les joueuses régulières le sont d’autant plus. Je n’ai encore jamais joué de partie « papier » masterisée par une autre femme que moi. Je ne connais aucune autre écrivaine de scénario… De quoi se poser des questions sur l’accessibilité du jeu de rôle aux femmes, confrontées à ce sexisme permanent.

[Note de Mar_Lard]

Dans ma propre expérience et face à ce type de problèmes, les rôlistes vont souvent jouer entre elles, ou comme ici dans un groupe certifié « safe » – sachant qu’elles risquent d’être confrontées au sexisme, à l’hostilité et aux fameux interrogatoires « anti fake geek girls » si elles s’aventurent dans la communauté « publique ». Exclusion qui renforce leur invisibilité… Même problème que pour les joueuses de jeux vidéo en ligne.

Femme level 1 (+2 en char)

Je voudrais adresser cette contribution à tous ceux qui se sentent dédouanés des interrogations sur le sexisme en milieu Geek en mode « pff c’est bon : je fais du JDR avec des filles ch’uis pas comme les gros beauf qui regardent Téléfoot ! »

Je ne compte plus le temps depuis lequel je fais du jeu de rôle « papier », que ça soit en tant que joueur ou bien en tant que MJ voire même (modestement) en tant que créateur d’univers, et depuis tout ce temps, je constate un vrai problème avec la place des filles aussi bien « in game » qu’autour de la table.

In game, un perso féminin sera soit un élément qui pousse à l’action au même titre qu’un vulgaire artefact (syndrome « princesse à sauver ») ou alors sera un antagoniste fourbe usant de ses charmes pour faire sombrer les héros. J’ai aussi constaté que jouer un personnage féminin par rapport à un personnage masculin (pour un homme en tout cas) se résume à « je vais voir le garde en roulant du cul pour qu’il me laisse passer » (trad : être une femme ajoute des compétences de manipulation mentale basé sur les boobs). Je ne dis pas que ça ne peut pas faire partie des options de jeu… mais là c’est quand même très « ras du slip » ! Le joueur homme a d’ailleurs souvent beaucoup de distance avec son avatar féminin et prend plaisir a l’imaginer dans des situations ou il n’est pas acteur, mais mateur. Chez d’autres, le fait de passer au féminin est l’occasion d’exacerber les clichés sur les femmes « Ah ah ah ! Je suis une garce manipulatrice ! Je fais faire ce que je veux aux hommes naifs et trop bons ! ». Bref vous l’aurez compris, c’est du cliché sous stéroides.

Toujours pour le in game, je remarque que rares sont les PNJ féminins. Soit ce sont des archétypes féminins (méchante sorcière, reine, princesse) soit des archetypes classiques qu’on a sexualisés (la méchante cheffe d’organisation sexy mais froide et cinglante a la place du méchant mafieux). Jamais de soldat femme, de milicienne, de vendeuse d’armes… ou alors si ça se produit, il y’a toujours introduction de l’idée que c’est un personnage particulier et plus avancé que le simple PNJ de base. On pourrait presque détecter à l’avance l’importance d’un personnage selon son sexe.

Ci-dessous un extrait d’une scène malheureusement vécue alors que je faisais le MJ :

« Bonjour à vous aventuriers ! Bienvenue dans ma forge ! » (description du lieu et du personnage de la vendeuse d’armes)
« Mais… vous êtes une femme ? Et malgré votre métier rugueux vous avez la silhouette d’une elfette prof de fitness ! (jamais évoquée par mes soins) « Damn ! Les mecs ! Venez vite faire booster votre matos ! »
« Mais mais… qu’est ce que vous faites ? »
« Me la faite pas jolie coquinette : une femme forgeron sexy est forcément nulle ou alors hyper balaise : vu que vos affaires semblent prospère, j’en déduit que vous êtes bonne… (voix sexy) vachement bonne (frétillement de sourcils)…une petite réduc si je vous fait voir ma grosse épée ? »

J’en viens donc souvent à ne PAS amener d’élément féminin sans avoir pris d’infinies précautions, car par conditionnement les joueurs prennent ça comme un message. Pour eux, c’est illogique d’utiliser une femme « par défaut ».

Autour de la table, la présence d’une femme entraîne moult comportements sexistes de base qui vont de « je t’explique le jeu » à « t’inquiète, je vais défendre ton perso avec mon super sort ». Les préjugés vont donc bon train, et ça peut aller jusqu’au surprenant (mais néanmoins crétin) « Attends je vais te faire le compte des dés : les filles c’est pas fait pour les additions ».

Donc oui cela existe autour de tables de jeu pourtant apparemment composées de personnes gentilles, polies, « ouvertes » (ce qui ne veut pas vraiment dire grand chose). Même moi ça m’arrive de sombrer dans ces travers, parce que d’une part je ne suis pas un parangon de vertu, et d’autre part parce que ces comportements sont liée à une culture du jeu, des univers (une femme dans un univers de fantasy, c’est avant tout un cosplay sexy penseront la plupart des mecs) et a l’émulation du groupe. N’étant pas supérieur à la plupart de mes contemporains, je ne peux parfois que constater à posteriori mon comportement.

Donc ami-e-s rôlistes, posez vous la question lors de votre prochaine soirée JDR : est il vraiment logique qu’un personnage féminin ait un malus de force et un bonus d’agilité ? Est-ce qu’un personnage féminin c’est forcément un artwork sexy en diable ? Est-ce que la motivation de vos persos peut être autre chose que « sauver la fille du Bourgmestre » ? Est ce que vous avez forcement besoin d’expliquer à la jeune fille à votre droite ce qu’est une claymore alors qu’elle ne vous à rien demandé ?

Quand bien même vous seriez un progressiste accompli, n’hésitez pas à garder cette salutaire démarche de vous remettre en question et à observer vos contemporains… vous pourriez être surpris de ce que vous verrez.