Le logiciel libre se conjugue au masculin

[Mise à jour – 24/01/2014]

La publication de cet article ne fait pas l’unanimité chez l’équipe MHFreq. Après discussion, une majorité de modérateurs estime que cette contribution n’aurait pas dû être publiée. La question du langage non-sexiste est complexe et le débat fait rage même chez les féministes. Le caractère problématique du premier mail publié ici n’est donc pas évident, même si la discussion qui s’ensuit révèle effectivement un certain conservatisme du milieu. MHFreq ayant vocation à être pédagogique et grand public, cette contribution ne nous semble donc pas forcément adaptée à notre ligne éditoriale, voire même contre-productive étant donné qu’elle suscite l’incompréhension de notre lectorat.
Nous ne souhaitons pas retirer un article une fois publié, mais il nous semblait important d’apporter ces précisions.

Janvier 2014, non-échange par mails sur le sexisme dans le Logiciel Libre :

Le groupe d’utilisateurs de Logiciels Libres xxx en collaboration avec xxx proposent aux sympathisants de se retrouver l’un des mardis ou jeudis de chaque mois (selon calendrier) pour échanger autour du Logiciel Libre et des réseaux libres, discuter de nos projets respectifs et de lancer des initiatives locales. Ce repas est ouvert à tous, amateurs de l’esprit du Libre, débutants ou techniciens chevronnés.

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Bonne année et merci pour l’invitation xxx,
Je note que le mail que tu as envoyé utilise des termes uniquement masculins.
Peut-être est-ce parce qu’il n’y a que 1,5% de femmes qui développe dans le logiciel libre contre 8% dans le logiciel privatif et qu’il n’y a donc pas nécessité de s’adresser à un si petit nombre ?
Qui sait, par ce mail si l’idée que l’égalité dans ce secteur serait un tout petit peu aidée pourrait germer… ne serait-ce par exemple qu’en modifiant la grammaire de représentation employée? Oui, les utilisateurs, sympathisants, amateurs, débutants techniciens, chevronnés ou pas peuvent aussi se conjuguer au féminin, comme une invitation à toutes celles qui ne peuvent se représenter dans le logiciel libre, toujours vu et montré sous l’angle d’un tas de barbus boutonneux… ZZZ

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Bonsoir ZZZ,
Voyant ton message je ne peux m’empêcher d’y répondre car je suis profondément exaspéré des dérives sémantiques que l’on observe de nos jour au nom de prétendue équité.

En français les noms communs ont un genre masculin ou féminin. La représentation neutre d’un mot n’existant pas, lorsque celui-ci qualifie une personne sexuée c’est la forme la plus simple d’écriture qui est choisie. Je parlerais donc pour ne froisser personne de la forme canonique. Par exemple l’adjectif « beau » (canonique) est plus compact qu’en mode décliné au féminin « belle » et l’osque l’on vise une personne sans en connaître le sexe à priori on se rabat sur la forme canonique.
Certains mouvements féministes, n’acceptant pas cette règle élémentaire de simplification dans l’expression orale et plus généralement dans la communication, exigent que tous les termes soient déclinés sous les deux formes ; ainsi on ne dit plus madame le maire mais madame la mairesse (terme que je trouve personnellement fort déplaisant et qui qualifie initialement la femme du maire en non l’élu du peuple). Personnellement je ne me suis jamais senti choqué de voir que l’on m’identifie comme UNE PERSONNE et ne revendique pas l’existence du mot « person » pour cela (c’est pas bô).

S’il faut dupliquer tous les termes dans les deux formes FÉMININ/MASCULIN pour satisfaire tout-le monde les textes deviendront lourds et indigestes pour un apport nul voire négatif.
Le langage est la pour la communication et d’ailleurs on dit une grenouille et un crapaud, or la grenouille mâle existe ainsi que le crapaud femelle, idem pour la girafe… mais que font les défenseurs des animaux ?

À compliquer les choses simples on finit par les délaisser, mais rassurons-nous, dans quelques décennies la forme neutre existera enfin dans la langue parlée officiellement dans ce pays car l’anglais aura fini de se répandre en occident tandis que nous seront, parlant notre patois franco-latin tels les vieillards que furent nos grands-parents, les derniers témoins de cette époque baignant dans une culture machiste. Tiens macho ça veut dire mâle en espagnol, tandis que la femelle c’est « hembra ». Parle-t-on d’attitude HEMBRISTE… faudrait inventer le nom !

Inscris-toi et viens au XXX ce jeudi afin que nous puissions échanger sur le sujet…

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Non M,
ce que tu écris n’est pas recevable, c’est toujours et encore la même litanie des dominants qu’il faut se farcir, ce que tu écris est toujours et encore la même violence dans la non reconnaissance des femmes.
Je trouve incroyable que tu ne puisses pas entendre ce que j’écris, la responsabilités des organisateurs de ces manifestations n’est donc jamais à remettre en cause? Lorsqu’une femme se donne la peine d’évoquer les inégalités patentes et propose une solution simple et facile à mettre en place, ta seule réaction est que tu lui retournes le discours de l’excédé des dérives sémantiques et d’une soit-disant règle élémentaire de simplification? Mais qui a édicté cette règle? Qui l’applique à ce point que ton texte est exclusivement adressé au masculin? Cela ne te questionne donc pas plus que seulement 1,5% des développeurs du libre soient des femmes? Cela ne te dérange pas?
Tu restes persuadé de ton bon droit, de la force de TA neutralité, mais tu n’as jamais eu à subir le sexisme du libre, ben oui, tu es un homme, et je n’ai absolument aucune envie d’échanger dans ces conditions stupides de non discussion,
il faudra que tu commences par avancer un peu sur la question de l’égalité avant que je vienne échanger en face à face avec toi.
Pour info, Je publierais sur seenthis cet échange de mails en l’anonymisant si cela te dérange d’être nommé. ZZZ

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Deux réponses :
1. Pour faire simple soyons brèves et brefs.
2. Pour vivre heureuses, heureux soyons cachées, cachés. Je n’ai aucune avidité médiatique et laisse gloire et célébrité à celles et ceux qui ne peuvent s’en passer.

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Voila, je souhaitais que cet échange soit inscrit ici, parce que pour moi il est extrêmement violent et représentatif de ce que les femmes dans le libre s’entendent répondre en rigolant quand elles parlent d’égalité. Incommunication, sexisme et colère, j’ai pourtant bien tenté d’en parler avec des mots si simples à modifier, du coup je suis totalement dégoutée et je n’ai carrément aucune envie de participer à ces rencontres.

Cet article est également visible sur seenthis.

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Sur le sujet du langage non sexiste, vous pouvez lire ces deux articles qu’on ne rappellera jamais assez: Guide du langage non sexiste chez Madmoizelle et Féminisation de la langue: quelques réflexions théoriques et pratiques chez Genre!.

Édité par Alda